Inondations : mais que fait le préfet des Alpes-Maritimes ?

Publié le par les perdigones

Ce département est particulièrement propice au risque inondation. Et pour construire on rend « désinondable » des zones, on crée des PPRI virtuels, bref on s’imagine plus fort que la nature. Chronique de catastrophes annoncées.

 

   Les Alpes-Maritimes: un nom et un symbole. Un symbole de bonheur, de détente: la montagne et la mer réunies, certes.

   Un problème aussi, la montagne qui tombe dans la mer.

   Des vallées étroites ; des fleuves et des rivières impétueux; des rus le plus souvent à sec, qui sortent de leur gong parfois.

   Une pluviométrie importante  souvent sur de courtes périodes, un  dénivelle qui accentue les phénomènes

   Et une urbanisation galopante, folle même par endroits. Qui aggrave tout. Un cocktail explosif.

   

   Bref un coin de France où il fait bon vivre... sauf s’il fait mauvais.

   Car le département des Alpes-Maritimes est sujet à inondations et les pouvoirs publics, les élus, et probablement une partie de la population, n’ont pas pris la mesure du phénomène.

 

 

A NICE, ON A INVENTÉ LE PPRI (Plan de Prévention des Risques Inondations) VIRTUEL

 

             Octobre 2008. On envisage de faire toute une série de travaux, de constructions sur une zone de Nice. Les permis de construire sont déposés ….et refusés. En cause le PPRI. On se trouve dans des zones rouges.

           Qu’à cela ne tienne en mairie de Nice on trouve une solution. Faire un PPRI virtuel. Oui oui un PPRI sous condition.

           L’État, en la personne du préfet, refuse. Le Préfet dégage, mais il n’y a aucun rapport entre les deux faits assure t-on du côté du maire Christian Estrosi.

           Eric Ciotti,président du conseil général 06, pas en reste, défend l’idée lumineuse de la virtualité. Il le fait pour améliorer une situation avance t'il : au nom de nécessaires « constructions pour accueillir les enfants … ». On invente rien, tout est là, dans Nice Matin qui ne passe pas pour un journal révolutionnaire…(voir article "pour débloquer les permis de construire")

 

 

ET ON REND LE FLEUVE VAR « DESINONDABLE »

 

  Mars 2010, une décision historique. Suite à de nombreuses démarches de Christian Estrosi, lorsqu'il était président du conseil général des Alpes-Maritimes, L’État vient d’accepter de céder au département la propriété du fleuve Var.

   

  Le Var ce n’est pas rien ( lire "fleuve var ")

  Il peut dormir durant des années puis rugir et tout défoncer d’un seul coup. La dernière fois qu’il s’est excité c’était en 1994. (voir article de l'Express: "Et si nice disparaissait le risque inondation")

  Autoroute submergée, RN 202 inondée, centre administratif noyé, aéroport inutilisable durant trois jours, MIN sous les eaux, on a frôlé le pire. Et pas qu’à Nice, un document officiel (voir " sivom val de banquiere") parle de la catastrophe à Levens cette année là, ceux qui l’ont vécu savent que c’était bien pire qu’en 2000 (année des photos de l'Orte que nous publions).

 

  Dans cet échange entre le département et l’État, la prévention revient à l’État et l’entretien au département. D’une façon ou d’une autre, c’est vous qui paierez.

Et que fait l’état ? Il construit des digues. Au moment où tout le monde remet en cause leur efficacité, ici on y va gaiement !

  Et miracle cela va transformer le fleuve. Il va devenir « désinondable » !

voir article "nice maville"-"La plaine du Var ne sera plus inondable dés mars prochain "

             C’est le terme employé par le Préfet en poste, Françis Lamy, d’accord avec ce qui dit C. Estrosi. C’est aussi ce qui dit Éric Ciotti. (voir "nice matin" "un transfert de propriété pour se prémunir des crues"

             On en rigole jusqu’à Nîmes où ils ont l’habitude des inondations.(voir) ou  voir 

  Il faut aller voir ce blog, de l’Association de Surveillance des Inondations et Sauvegarde des Territoires (ASIST).

  On y apprend qu’un vrai délire a gagné Nîmes, aussi. Dans une zone qui a reçu 1,60 mètres d’eau lors des inondations d’octobre 1988, le sénateur Maire UMP Jean Paul FOURNIER, a l’intention de construire 1000 logements. Comme nous, comme d’autres, l’ASIST, informe, démonte, démontre. Ce qui est au moins gagné, c’est que dans un certain nombre d’endroits, on ne pourra plus dire on ne savait pas. Responsables et coupables ! (voir " frère jacques, sonnez les matines")

 

  On en rigolera peut être pas toujours. Vouloir à ce point, maîtriser, dompter la nature, est présomptueux. Ce l’est d’autant plus que lorsqu’un fleuve traverse une ville, les aménagements ne doivent pas se faire au détriment de son lit naturel. C’est ce qu’explique Philippe Gourbesville directeur de l’école polytechnique de Nice Sophia Antipolis (voir en fin de vidéo).

 

 

 

 

LES OUVRAGES LES PLUS SOLIDES NE RÉSISTENT PAS

 

           La Fédération Nationale des Victimes d’Accidents Collectifs ne croit pas à cette assurance définitive contre les inondations, du fleuve Var comme ailleurs. « Or que nous apprend l’histoire ? Que les ouvrages de protection, même les plus solides, ne résistent pas au temps. Pas seulement à l’usure du temps, mais à la négligence inéluctable de ceux qui en ont la charge, si aucun événement violent ne vient tirer la sonnette d’alarme. Tout programme de protection est difficile à mettre en oeuvre et toute protection est difficile à pérenniser. Le "plan digues" de La Nouvelle-Orléans date de la fin des années 1950, et en 2005, lors du passage du cyclone Katrina, ce programme n’était pas achevé... Le "plan de protection" de la ville de Nîmes date du lendemain de la catastrophe meurtrière de 1989 ; il n’est pas achevé... Il faut mieux maîtriser l’urbanisation dans les zones à risque, entend-t-on de toutes parts. L’article 44 de la loi Grenelle 1 ne dit pas autre chose, mais de multiples textes le disent depuis trente ans. Alors, où est le problème ? » (voir le document complet)


          Dans le Schéma Directeur de prévision des crues du bassin Rhin Rhône Méditerrannée, on loue certes les digues, mais on ne dit jamais que leur protection est sûre à 100%. Ainsi p. 16 « les digues protégent contre les inondations, mais peuvent constituer un facteur d’aggravation du risque en cas de rupture accidentelle ».


        Un peu de modestie, compte tenu des problèmes serait de mise.

        Ainsi à Nice on a un mal fou a maîtriser une résurgence d’eau souterraine (200m3 /heure). Imprévisible et imprévue, elle  bloque le chantier de l'hôpital Pasteur (un ensemble de plus de 150 000 m2 de plancher et 680 lits ). Mais on n’hésite pas à affirmer sans sourciller que le fleuve Var ne pourra plus déborder...


        En fait tous ces travaux et cette communication sont destinés encore une fois à faire passer les zones du rouge au bleu et donc à les rendre constructibles. Ainsi la grande opération d’Intérêt National (OIN) pourra avoir lieu.

  l'artificialisation du Varla lente artificialisation du Var (source Andrée Dagorne)

 

         L'enjeu est énorme. L'OIN c'est 10000 hectares aménageables (24 communes concernées, 12 ponts prévus, des aménagements partout, le rétrécissement du lit du fleuve - 2 km, il y a 1 siècle à 350 m aujourd'hui ...). (lire le dossier documentaire élaboré par le GIR Maralpin)

         D'autres travaux, de scientifiques, comme ceux rapportés par le GIR MARALPIN, ne partagent pas cette outrecuidance dominatrice. 

         Ainsi Josette Fays, présidente de "V.I.E. de l'eau (Var, Inondations Ecologisme); co-présidente de UNALCI France Inondations"  " Il serait irresponsable et coupable de sous-estimer ou minimiser un risque aussi considérable, même exceptionnel, que rien ne permet d'écarter, mais bien au contraire dont la prise en compte doit être une évidence". (page 35). (lire les actes de la table ronde du 10 novembre 2009: "fleuves, territoires et infrastructures, regard croisés sur la plaine du Var")

 

         Ainsi Pierre Paul DANNA , dans une autre communication du GIR MARALPIN (le 12 février 2008). L'universitaire ( Maître de conférences, Faculté de droit, Université de Nice-Sophia-Antipolis) parle de l'eau du fleuve Var:

           " Il y a une attention sur l’eau qui est non négligeable, mais qui ne porte que sur l’eau exclusivement considérée comme ressource ; l’eau en tant que telle ne présentant quasiment aucun intérêt, elle est purement et simplement passée en pertes et profits, ce qui permet d'envisager la création de tous aménagements permettant d’endiguer le Var, c’est à dire de le rendre beaucoup plus civilisé, car sachant le fleuve Var redoutable, quoi de plus valorisant que le civiliser ! "

           " Je rappelle...que les services de l’État avaient, en 1992, calé la crue haute du Var, c’est à dire la crue décennale, à 1500 m3/s .... Deux ans après, le 5 novembre 1994, une crue de 3 200 m3/s détruisait deux barrages-seuils et inondait les installations basses de l'aéroport et du centre administratif départemental. En dépit de cette catastrophe, une bataille d'experts a été nécessaire pour que les mêmes Services de l’État consentent à caler à 5 000 m3/s la crue millénale du Var, tout en considérant centennale la crue observée en 1994. La sous estimation des risques était colossale et rien ne permet d'affirmer qu'elle ne se perpétue pas."

           " Si on édifie les digues pour protéger Cap 3000, le lendemain matin Cap 3000 dépose un permis de construire pour augmenter sa surface, car la seule chose qui y a fait jusqu'à présent obstacle, c’est le risque d’inondation ; et si Cap 3000 augmente sa surface parce qu’on fait des digues, il faut faire des digues de l’autre côté parce que, sinon, c'est la préfecture qui est inondée ; alors je ne sais pas si vous voyez, on ne va plus le voir le Var ! on va finir par le couvrir ! " (page 21)  (lien pdf de la conférence intégrale)

 


AVALANCHES SOUS MARINES

 

Un fleuve comme chacun sait est un cours d’eau qui se jette dans la mer.

Comme chacun peut se douter, ce n’est pas qu’une conduite qui emmène de l’eau, c’est un lieu essentiel à la vie. (voir)

Ainsi la nappe phréatique du Var alimente en eau 600 000 personnes ; ainsi les poissons qui y vivent surmontent les crues, si le fleuve n’est pas ratissé ; ainsi son embouchure est propice à la nidification et apporte une richesse ornithologique extraordinaire ; ainsi il alimente le bord de mer, et donc les plages, en sédiments.

 

Mais une autre preuve de l’ardeur du Var, c’est les dégâts qu’il peut produire en mer. Dégâts qui ont déjà occasionné des morts, le 16 octobre 1979 sur une extension de l’aéroport de Nice. Un raz de marée a frappé le littoral sur une centaine de Km. La catastrophe aurait pu être pire, en période de baignade par exemple.

Ce qui s’est passé est un phénomène dont l’étude est récente : une avalanche sous marine.

Ce type d’ avalanche est provoquée par deux causes, les tremblements de terre et les crues. Ce sont des masses énormes qui se mettent en mouvement et occasionnent des raz de marée.

Représentation numérique de la morphologie des fonds sous

Au large du Var les fosses marines sont importantes ; en 5 km on passe de la côte, niveau 0, à moins 1000 mètres, et les études confirment le danger.

L’Ifremer explique plus en détail cela ( voir )

 

 

ci-contre:

Représentation numérique de la morphologie des fonds sous-marins au large de Nice (canyon du Var et Baie des Anges)© Ifremer

 

            Une association de Saint Laurent  du Var a fait un travail sérieux sur cette catastrophe. Elle met en garde les autorités sur les projets de port ou autre à Saint Laurent. Le lieu est risqué, d’autres effondrements peuvent produire d’autres tsunamis. Mais on ne veut pas savoir puisque des documents concernant cet épisode sont au secret …pour cent ans. (lire).                   

          L’association de Saint Laurent, a pu les consulter sur autorisation expresse du procureur et livre ses notes.

   

             On ne veut pas savoir non plus, à Carros, où une partie de la plus grande zone industrielle du département est en zone rouge. Lire "nice matin" et lire l'avis du conseil municipal de carros sur le PPRI.


  Dans ce département, la quasi totalité des communes (144 exactement sur 163) sont concernées par le risque inondation. Évidemment, Levens.

  Faut il accélerer l'approbation des PPRI? Et si oui, en niant ou en négligeant les problèmes soulevés comme à Levens? Au nom d'une nécessaire efficacité, peut on passer rapidement sur les zones qui craignent comme à l'Orte?

  On a écrit au préfet pour l'alerter. Aucune réponse.

  Il y a quelques mois de cela, le sous préfet était pris en photo au bord de la RD 19 avec le maire de Levens. Ils regardaient de loin les terrasses de l’Orte. Il n’y avait pas d’eau ce jour là. On imagine sans peine l’échange. Et de loin, ils imaginaient les terrasses d’immeubles.

  Quant on a le pouvoir de rendre le fleuve Var "désinondable"....tout devient possible, n'est ce pas?

 

 


Publié dans inondations

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A
<br /> <br /> Dans la même foulée, on modifie le PPRI de Contes (enquête publique closele 17 Septembre):<br /> <br /> <br /> on réduit la sévérité de la zone bleue sur le quartier du Miaglia, après des travaux effecctués sur le ravin du miaglia. Mais dans le même temps, on passe le collège et ses environs proches en<br /> "hors zone" inondable. On oublie facilement que tout ce quartier est situé le long du Paillon, dont la réputation légendaire n'est plus à faire. L'étude hydrologique réalisée ne porte que sur son<br /> petit affluent, le Miaglia.<br /> <br /> <br /> Réponse faire à une question posée sur ces points en séance publique : "Ah évidemment si on a une pluie comme à Draguignan, tout s'en ira!"...<br /> <br /> <br /> <br />
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