INONDATIONS: LES ENSEIGNEMENTS DE LA COUR DES COMPTES

Publié le par les perdigones

Prévention des risques insuffisante, urbanisation forcée, alerte insatisfaisante……
La Cour des Comptes pointe les responsabilités des acteurs publics (préfectures, services de l’état, collectivités) à propos des inondations dans le Var et des conséquences de la tempête Xynthia en 2010.
Qu'importe, comme si de rien n’était, dans les Alpes Maritimes le PPRI de Levens vient d’être adopté par le préfet, dans la plus grande opacité.
 
C’est un rapport qui devrait faire date.
La cour des comptes et trois chambres régionales des comptes (Pays de Loire, Poitou Charente et PACA) ont conduit un « ensemble de contrôles destinés à tirer les enseignements » de la tempête Xynthia et des inondations dans le Var.
Ce rapport de 304 pages est (télécharger en pdf)
Le communiqué de presse en LIEN ICI
 
L’ACTION PUBLIQUE MISE EN CAUSE
 
       Ce rapport devrait faire date car ce qui le motive est l’examen des responsabilités de l’action publique dans la survenue de ces crises. Crises qui ne sont pas que naturelles donc.
L’action publique est mise en cause «  notamment quant à sa capacité à prévenir et à gérer ce type de catastrophe ».
       Il devrait faire date, parce que les magistrats qui ont fait ce travail l’ont fait sans occulter aucune chaîne de responsabilité. Et pour une fois on s’interroge sur ce qu’ont fait les administrations centrales, les Préfectures, les collectivités, les intercommunalités.
       Et le résultat est sans appel : l’action publique  a failli. À preuve les exemples fournis par les magistrats.
       Il est à noter que ce rapport est contradictoire c’est à dire qu’il a offert la possibilité à tous ceux qui sont cités, ou mis en cause de répondre, de s’expliquer. Ce sont les 100 dernières pages du document.
       Pour ceux qui ont l’habitude de ces sujets, (les associations comme Les Perdigones à Levens, ASIST à Nîmes -association de surveillance des inondations et des territoires- etc.) qui se battent pour obtenir la transparence et l’indépendance sur ces questions d’aménagement du territoire,  cela fait tout drôle de lire confirmation de leur propos. Cela fait tout drôle - de voir mis à nu par les magistrats les argumentaires et les fonctionnements de ceux qui veulent bâtir à tout prix dans des zones à risques. Du logement social, aux pressions à la « dent creuse » qu’il faut combler, on trouve toujours la même façon de procéder.
 
       On ne traitera pour l’essentiel dans ce papier que de la partie inondation dans le Var. Mais il faut savoir que même si comparaison n’est pas raison, les similitudes géographiques , climatiques, urbanistiques, comportementales sont légions avec la zone sur laquelle nous alertons depuis longtemps,  à savoir l’Orte à Levens (06)
 
       De plus tout ce que nous avons écrit à propos des inondations dans le Var est confirmé.
       Mais les leçons à tirer de ces catastrophes n’ont pas franchi le département voisin des Alpes Maritimes. Département  qui est pourtant en France celui où on construit le plus en zone inondable. (voir notre article-les-alpes-maritimes-et-le-var-champions-de-la-construction-en-zone-inondable)
 
       Et visiblement ce n’est pas prêt de changer. L’adoption concomitante du PPRI de Levens dans la plus grande opacité en apporte une preuve supplémentaire.
 
LES RISQUES SE SONT ACCRUS
 
       Première constatation du rapport: « Les risques se sont accrus » et sont « pourtant oubliés »(p19).
       Et pourquoi se sont-ils accrus ? Avant même d’examiner le rôle réel du changement climatique (événements plus fréquents et plus extrêmes) c’est l’action des hommes qui est à l’index  : 
 
"Que ce soit dans le Var ou sur la façade atlantique, la démographie
et l’urbanisation de ces dernières décennies ont profondément modifié le
contexte et l’impact de tels événements météorologiques exceptionnels.
La pression démographique s’exerce fortement sur les zones littorales et
dans la partie la plus méridionale du pays. La saison touristique entraîne
un afflux considérable de population sur des territoires aux capacités
limitées. Il existe dans ces régions une véritable « soif » de construire,
entretenue par les propriétaires et les promoteurs et relayée par les élus
locaux.
Ces territoires sont pourtant particulièrement vulnérables"
 
Et pourtant tout ceci était prévisible.
         « Loin d’être des phénomènes exceptionnels et non prévisibles, la
submersion marine liée à la tempête Xynthia et les inondations du Var
traduisent plutôt un oubli de catastrophes anciennes."
 
Exemple : l’orage « épouvantable » qui s’est produit  en juillet 1827 dans la Naturby (Var). Qu’est ce qu’on en a tiré comme leçon ? Rien
 
« DE FACHEUSES PRATIQUES D’URBANISATION »
 
Mais pourquoi un événement naturel vire t-il  à  la catastrophe ?
       Événements météorologiques exceptionnels (mais de plus en plus fréquents) + urbanisation excessive + territoire vulnérable + alerte défaillante = à coup sûr une catastrophe.
 
       Excepté la météo où l’on ne peut pas grand chose (si ce n’est améliorer la prévision), la collectivité peut agir sur les autres facteurs. À commencer par celui qui influe le plus : l’urbanisation en zone à risque.
       C’est ce que traite le chapitre 3. Son intitulé annonce la couleur «  La prévention : des insuffisances persistantes en matière d’urbanisme »
 
I - De fâcheuses pratiques pour les décisions de construire:
 « Certaines constructions dans les zones à risques peuvent être lourdes de conséquences. Les modalités des décisions publiques les concernant méritent d’être illustrées par quelques exemples révélateurs »
(suivent des exemples pris en Vendée comme le lotissement « les voiliers » à la Faute sur Mer ( p 49))
 
       Dans le VAR c’est « le respect aléatoire des règles » qui est épinglé.
 
2 - Le respect aléatoire des règles: l’exemple d’un dossier d’urbanisme dans le Var
       Il faut lire ces quelques pages ( 53 à 58 ) et suivre les rebondissements du projet immobilier dans le quartier de Valescure à Fréjus. 157, puis 176 logements en zone à risque inondation « bleu » présenté en 2005 et qui finalement sera retoqué par le préfet en … mai 2011. Il y en a eu des expertises, des études, des argumentaires pour bâtir à tout prix.
 
       Les questions que la Cour des Comptes soulève à propos de ce dossier sont à lire en p 58/59. Malgré la diplomatie qui caractérise les auteurs du rapport, les actions du préfet et du maire sont pointées et critiquées.  
  "S’agissant du plan de prévention du risque inondation, il est
surprenant que celui de 2002 ait envisagé l’urbanisation de cette zone
compte tenu de sa situation dans l’axe du cours d’eau, dans le lit majeur,
dans une cuvette délimitée par un remblai"
      Et plus loin....
"Le maire a accordé le permis de construire avant l’achèvement
des travaux permettant, selon le plan de prévention du risque inondation
de 2002, un aménagement de la zone. Il a prorogé ce permis aussitôt
après les crues de décembre 2006, puis par un permis modificatif, a
autorisé un accroissement du nombre de logements. Il a accordé ces deux
derniers permis nonobstant les risques démontrés par les inondations de
décembre 2006, cela en contradiction avec la législation et la
réglementation, notamment l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme44."
 
DES ETUDES VISANT « À DIMINUER LES ZONES INONDABLES OU EN RÉDUIRE L’ALÉA »
 
       Avec l’examen du plan de prévention des risques inondations de Draguignan, le rapport de la Cour des omptes fait une oeuvre critique utile à la collectivité. L’enquête met à nu comment les choses se passent parfois.
       Elle montre les faiblesses, les failles, voire pire.
      Exemple, dans la note de présentation du PPRI il est fait référence à  une catastrophe de la Naturby en 1827, « mais sans aller plus loin dans l’exploitation de cette formidable crue » (p72)
       Autre exemple: comment expliquer que l’on passe de zone « rouge » à « bleue » puis à « blanche, non inondable » dans un même secteur alors qu’on est toujours dans le lit de la rivière ?
« des zones inondables,rouges et bleues, existent en amont du secteur du Salamandrier puis en aval de celui-ci, comme si, en cas de fortes inondations, la rivière quittait son lit en amont du secteur, puis le regagnait le temps de dépasser et d’épargner celui -ci, enfin en sortait à nouveau une fois ce franchissement accompli. » (p 73)
  Appréciez l'humour ( noir) de la cour....
Comment expliquer ce phénomène ? La Cour répond
 
« les discussions à l’époque de l’élaboration des cartes d’aléas auraient été vives, deux communes, dont celle de Draguignan, ayant notamment fait réaliser des « études complémentaires » visant en réalité à diminuer les zones inondables ou à en réduire l’aléa. On est en définitive conduit à se demander si, malgré le principe selon lequel « l’aléa ne se discute pas », celui-ci n’a, en réalité, pas été soumis à débat et si l’hypothèse la plus « pessimiste » n’a pas été écartée permettant ainsi de justifier les constructions qui avaient été faites dans ce secteur, notamment de la caserne des pompiers chargés d’intervenir, en cas d’inondations. (p73)
Tout cela est dit en langage diplomatique, mais quelle accusation et quelle gravité !
 
       Et que penser de l’hypothèse de débordement de la Naturby qui ne prenait en compte, ni le phénomène de ruissellement, ni celui des embâcles. Phénomènes qui sont survenus bien sûr lors de la catastrophe
 
       Et que penser des évaluations de débits des eaux minorés ? etc. etc.
« Le débit centennal retenu pour le PPRI avait été fixé à 245 m3/s. Le 15 juin 2010, le débit maximum instantané dans la zone s’est établi, selon une expertise, à 443 m3/s. »(P75)
 
Conclusions et recommandations de la cour : l’État ne doit pas céder (p97)
         « L’examen des mesures de prévention prises avant les inondations
montre leurs défaillances, qu’il s’agisse de l’établissement des documents
d’information sur les risques, de la diffusion des atlas des zones
inondables, de l’élaboration des plans de prévention, de l’obsolescence
des documents d’urbanisme ou encore de la faiblesse du contrôle de
légalité. Face à une véritable soif de construire, généralement relayée
par les élus locaux, l’Etat n’a souvent pas su faire preuve, au plan
départemental, d’une détermination suffisante pour empêcher des
constructions dans des zones à risque."
Dans certains départements comme le 06, il y a du boulot....
 
UN RAPPORT POUR QUOI FAIRE ?
 
       Du coût en vies humaines, 63 morts et des milliers de traumatisés,...
...Au coût financier pour la collectivité (plus de 2 milliard d’euros),
       Des systèmes d’alertes défaillants ,...
....aux secours à améliorer
       Il y a beaucoup d’éléments dans ce rapport.
       Cela débouche souvent sur des recommandations. Elles sont récapitulées en pages 177 à 179. Ce sont bien des recommandations et seulement des recommandations.
        Ce rapport fera date s’il enclenche un processus qui se libère des pressions de toutes sortes. L'Etat doit être impartial et pour cela un levier important est la transparence et l’information sans retenue des populations.
 
       C’est un des éléments de la Directive Européenne relative à la gestion du risque inondations adoptée le 23 octobre 2007. (à télécharger en Pdf ICI). La France l’a transposée dans son droit le 3 mars 2011 et donc, n’est plus en infraction depuis cette date seulement.(voir article du journal de l'environnement)
       Cela constitue une recommandation de la cour des comptes formulée ainsi:
"Arrêter (ndlr= prendre la décision de) la stratégie nationale des risques d’inondation imposée par la loi « Grenelle 2 » et appliquer la Directive Européenne relative aux inondations, en respectant les délais fixés"
   
     On est encore loin de tout cela. Exemple le PPRI de Levens (06) qui vient d’être approuvé par le préfet. Qu'il soit adopté n'est pas le problème. Ce qui l'est c'est son processus d'adoption. 
       Depuis des années il y a un secteur litigieux à Levens qui a bloqué le PPRI: l'Orte Depuis neufs mois une étude a été finalisée sur ce secteur et ses alentours (l’Ordaléna, l’Orte, Péloubié). Cette étude devait guider l’établissement de l’aléa pour revoir le PPRI.
     Depuis des mois cette étude est demandée (par des élus, des associations, des citoyens). Impossible de l’obtenir. Cette étude a été payée pourtant par de l’argent public. Alors pourquoi ? Révèlerait-elle des choses que l’on veut cacher ?
       Ce secteur est voulu par le maire en secteur de forte urbanisation nouvelle, avec des immeubles sur l’Orte, et notre petit doigt nous dit qu’on n’a pas fini de parler de cette question et bien sûr de ses protagonistes
 
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Publié dans inondations

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